Le tout dernier ouvrage réalisé avec Les Carnettistes tribulants, 14 auteurs,
19 reportages à travers la France, une préface de Coline Serreau,
un éditeur La Boîte à bulles, en dédicace actuellement au Salon du livre
de Paris, 2013.
Reportage chez Chloé Chevalier viticultrice à Ladoix-Serrigny, Côte d’Or Pas facile pour nous, néophytes, de mettre un pied dans les domaines viticoles de Côte d’Or et pas facile pour Chloé – femme et jeune maman – d’a≤rmer son statut de viticultrice en Bourgogne. Chloé, 25 ans est chef de culture et maître de chai dans le domaine Chevalier à Ladoix-Serrigny. Elle a pris le relai de son père qui lui-même l’avait pris de son père. La filiation naturelle du domaine remonte sur quatre générations. Ici, dans le sérail des plus grands crus de Bourgogne– le Corton-Charlemagne est derrière la colline– la féminisation du métier est encore discutable. «L’autre jour, j’étais accompagné de mon beau-frère, plombier de son métier, pour faire déguster à des clients un vin que j’avais produit. Et bien les questions s’adressaient toujours à lui, moi je n’existais pas ! » nous lance Chloé. Et elle poursuit plus animée: «et ce n’est pas facile non plus du côté professionnel. Lors de l’intronisation de la Saint-Vincent, le président – mon oncle pourtant – a demandé à faire un vote à main levée uniquement pour mon intronisation alors que les textes ne distinguent pas les sexes dans l’exercice de la profession.» Même si Chloé est la quatrième d’une fratrie sans garçon, son choix ne fut pas une obligation pour assumer la relève. «Très jeune je voulais déjà faire ce métier». Et ce n’est pas son premier verre de vin à quatre ans qui lui en a donné l’idée mais plutôt lorsqu’elle suivait son père dehors, dans les vignes. Et c’est à douze ans qu’elle posa la question fatidique à sa mère «Maman, y a t-il des femmes viticultrices ? » Plus tard tout ira vite : un Bac agronomie & zootechnie, un Bts au lycée viticole de Beaune, un stage en Corse (des vendanges de nuit), puis un stage de deux moix en Californie (vinification du cêpage Pinot noir comme en Bourgogne) et son père lui laisse prendre les rênes de la vinification du domaine en 2008. «J’adore travailler dans les vignes surtout le matin.» Dit-elle avec un regard pétillant. « En ce moment, je vérifie dans les parcelles s’il n’y a pas eu de gélée. Les gelée de printemps sont les pires, il faut passer les saints de glace, après je serai plus tranquille.» Puis elle continue sérieusement : «C’est un métier assez physique vous savez et je veux le faire pleinement ! Chaque fois que je dois soulever une caisse ou déplacer un tonneau, on me dissuade de le faire.» Mais une part du travail de vinification se fait aussi en laboratoire. C’est en descendant dans la cave qu’elle nous dirige vers son petit labo. Un monde à part. Un cube carrelé de blanc de 3 m2 composé d’un grand lavabo et d’une multitude d’éprouvettes. Il s’isole de la salle des cuves en inox par une paroi de verre. «Ici c’est ma pièce à moi et c’est là que tout se joue pour un vin. Après prélèvements, je vérifie les densités de sucre. Le taux de sucre doit atteindre 990 quand le vin est fini.» Encore plus bas, par un petit escalier, ce sont les voûtes et les rangées de fûts (pleins) et des milliers de bouteilles bien rangées qui apparaissent silencieusement dans le clair obcur de la cave. Mais Chloé nous abandonne car elle doit aller chercher sa fille. Le lendemain nous la croisons en coup de vent, toute pimpante. Elle participe au 6ème concours des Féminalise au Palais des congrès de Beaune. Un grand rassemblement de 550 femmes des métiers du vin (viticultrices, oenologue, sommelières, etc.) qui viennent déguster et attribuer des prix à des vins de toute la France. «Ça va me changer… pour Les Grands jours de Bourgogne j’étais la seule femme!»